Art & Culture Monaco

Thierry Leviez, L’amour de la scénographie

Nouveau directeur du Pavillon Bosio, Thierry Leviez a de belles ambitions pour l’Ecole Supérieure d’Arts Plastiques monégasque. Dans le cadre d’une interview exclusive, il s’est confié sur son parcours, ses objectifs et ses projets d’avenir.

- Comment est née votre vocation ?
Pour un commissaire d’ex-position, je dirai que mon parcours est plutôt atypique. J’ai tout d’abord intégré de grandes écoles, avant d’être initié à l’art lors d’un échange universitaire à Berlin, durant lequel j’ai eu la chance de travailler au sein de différentes galeries. Originaire de Toulouse, je n’avais jamais réellement baigné dans un univers très créatif. Là, je découvrais l’art contemporain et je me suis passionné pour cet univers. Après cette expérience très forte, j’ai décidé d’intégrer l’Ecole du Magasin, le célèbre Centre National d’Art Contemporain de Grenoble.

- Pourriez-vous nous en dire plus sur cette formation et la suite de votre parcours ?
Oui, créée dans les années 90, l'École du Magasin avait pour but de former les grands commissaires d’exposition européens. D’ailleurs aujourd’hui, certains directeurs directeurs de grandes institutions culturelles en Europe sont issues de cette formation pilote. C’était une expérience incroyable. J’ai ensuite suivi un VAE (Validation des Acquis de l'Expérience) à l’école du Louvre, avant de devenir responsable des expositions et, à ce titre, de la filière Métiers de l’exposition (Licence pro) et de la résidence des jeunes commissaires (post Master 2) aux Beaux-Arts de Paris. J’ai également créé le séminaire de Master L’Entour, entièrement consacré à la scénographie d’exposition. C’est d’ailleurs par ce biais que j’ai été invité à donner un cours au Pavillon Bosio. Ce qui m’a permis d’apprendre qu’un nouveau directeur était recherché et de candidater pour ce nouveau poste.

- En tant que spécialiste de la scénographie, quelles expériences ont été marquantes ?
Durant plus de 10 ans, j’ai collaboré avec le "Printemps de septembre" à Toulouse, un festival devenu la Biennale d’art de Toulouse. Au fil des années, j’y ai exercé un peu tous les postes, avant de devenir de 2013 à 2016, commissaire des expositions. C’est là que j’ai réalisé à quel point la scénographie m’intéressait. Et parmi les projets majeurs auxquels j’ai eu la chance de participer, je citerai celui réalisé avec le sculpteur Jorge Pardo. En l’espace de deux ans, nous avons entièrement repensé une aile du Musée des Augustins. Celle où se trouve une fameuse collection d’art roman. C’est l’un des trésors de la ville. Une autre exposition a beaucoup compté à mes yeux, celle conduite auprès de l’artiste suisse Claudia Comte. Pour cet événement, nous avons réuni des pièces issues de l'industrie aéronautique. L’idée était de placer au centre de la réflexion la scénographie et non les œuvres.

- La scénographie a-t-elle évolué au fil du temps ?
Oui, on peut dire que ces dernières années, elle a subi un véritable bouleversement. Il existe deux types de scénographie, la première est celle liée au monde du spectacle. On parle alors de décors de théâtre, des ballets… C’est ancré depuis longtemps. Les changements qui se sont opérés viennent des réalisateurs qui ont eu l’audace d’innover. A l’image de Julien Gosselin qui utilise beaucoup les écrans, des caméras en direct et joue avec les codes du théâtre académique. On peut également citer Simon Stone qui a imaginé une mise en scène inédite, avec 3 scènes différentes, et des spectateurs qui se déplacent au fil de l’histoire. Maintenant, si l’on se penche sur la scénographie d’exposition, là les changements sont très nombreux. Cela vient notamment de la multiplication du nombre de lieux d’exposition. Il y a 20 ans, vous comptiez environ quelques centaines de galeries à Paris, aujourd’hui elles sont des milliers. Résultat, les artistes sont en perpétuelle recherche de nouveauté, d’innovation… Pour se démarquer, ces lieux font de plus en plus appel à des sculpteurs, des plasticiens qui sont amenés à trouver d’autres modes d’accrochages et de présentation. Les nouveaux outils ont également aidé. Ils permettent d’être plus audacieux.
Pour en revenir au Pavillon Bosio, pourriez-vous nous présenter ses spécificités ?
C’est une Ecole Supérieure d’Arts Plastiques publique qui délivre un diplôme de niveau Licence et Master, reconnu au niveau international. Elle est hébergée dans un bâtiment magnifique, un véritable bijou, posé sur le Rocher, face à la Méditerranée. Nous avons la chance d’avoir beaucoup de matériel, un atelier de céramique… Et une équipe pédagogique composée d’une quinzaine de professeurs, des artistes reconnus, dédiés à la formation de nos étudiants. Ce qui nous distingue des autres écoles d’art, c’est notre spécialisation affichée en scénographie. Nos forces sont également les nombreux partenariats de prestige que nous entretenons avec de grands musées et institutions culturelles, telles que les Ballets de Monte-Carlo ou le NMNM.

- Comment abordez-vous votre rôle de directeur ?
J’ai en tête différents projets et notamment la volonté d’accentuer la spécialisation et la professionnalisation de l’école. Pour cela, j’aimerais que nos formations soient encore plus axées sur l’aspect technique de la scénographie et de ses outils, comme le dessin, l’utilisation de logiciels dédiés à la réalisation de plans… Dans le cadre des différents projets qu’ils mènent tout au long de leur cursus, je veux que nos étudiants puissent travailler dans des conditions les plus professionnelles possible. Ensuite, je souhaite ouvrir au maximum le Pavillon Bosio. Même si nous manquons de place, l’école doit être considérée comme un bureau d’étude, doté de ramifications à l’extérieur, de connexions avec des centres d’art, des musées… Nous avons également la volonté de créer un réseau d’écoles partenaires à l’étranger, afin de concevoir un système, un peu comme celui d’Erasmus. Enfin, parmi nos futurs initiatives, il y a celle d’une exposition, réalisée en collaboration avec le NMNM, à l’horizon 2022. L’idée est de sortir du musée des pièces qui n’ont pas été présentées, des raretés et de les exposer au sein du Pavillon Bosio.


www.pavillonbosio.com