Art & Culture Monaco

Mélanie Serre : “Je marche au feeling”

La nouvelle cheffe d’Elsa au Monte-Carlo Beach raconte son beau parcours et ses challenges, elle qui voue un profond respect à Joël Robuchon... Et qui n’aime pas cuisiner la pâtisserie !

- Vous êtes Ardéchoise, pourriez-vous nous parler de vos débuts ?
Oui, je suis originaire d’Annonay et mes parents n’étaient pas du tout dans le métier : mon père est architecte (à la retraite depuis six mois) et ma maman gérait un magasin de meubles.

- Les premiers émois en cuisine, c’était avec la maman, la grand-mère ?
Les deux cuisinaient très bien. Et je rentrais dans la cuisine pour voir dans les casseroles ce que j’allais manger. Après je plongeais le doigt pour savoir si c’était bon ou pas. Mais je ne peux pas dire que ma vocation s’est faite à ce moment-là...
Voulant devenir vétérinaire, j’ai passé un bac scientifique. Mais j’ai ensuite bifurqué vers une licence de management en hôtellerie-restauration à l’Institut Vatel à Lyon. Mon oncle traiteur m’employait de temps à autre. En fin de licence, j’avais un stage à accomplir : j’ai décidé de le faire en cuisine car si un jour j’ouvrais mon établissement, je voulais pouvoir discuter d’égal à égal avec le chef. J’ai donc commencé chez Potel et Chabot à Paris. J’étais stagiaire, mais première au travail le matin et dernière à partir le soir. J’adorais ce que je faisais. Je suis partie ensuite à Megève au Chalet du Mont d’Arbois puis l’Eden Roc à Saint-Barthélemy. Belle maison mais l’île ne me plaisait pas...

- Comment êtes-vous arrivée à Monaco ?
C’est un ami qui a déposé un CV. Je lui ai dit “tu poses mon CV soit chez Ducasse, soit au Métropole... Il l’a déposé au Métropole où j’ai commencé comme chef de partie au poisson au restaurant gastronomique de Robuchon. Vu mon parcours, on m’a proposé ensuite la gestion administrative de la cuisine. Cela m’a intéressé car ça correspondait complètement à mes études. Je me suis dit je vais faire ça pendant un an... Et bien ça a duré trois ans. De temps à autre, je remplaçais les absents mais il y avait 80 cuisiniers-boulangers-pâtissiers à gérer, et j’étais un peu le bras droit du chef Christophe Cussac. Voilà un homme qui a un cœur énorme, sensible comme moi : c’est un peu mon papa en cuisine...

- Et donc après, départ pour Paris à l’Atelier de Robuchon...
C’était compliqué parce qu’il fallait se remettre complètement dans la cuisine. Et c’était mon premier poste de chef. C’était aussi un peu tendu car c’est une femme qui arrivait dans un gros navire deux étoiles Michelin, en 7/7, avec plus de 200 couverts par jour. C’était difficile mais très formateur. Je suis restée quatre ans et ce fut une sacrée école. En raison d’un manque flagrant de personnel, on a hélas perdu une étoile. C’est dur car on se demande ce qu’on a mal fait, ça fait redescendre sur terre ! Ensuite, en plein Covid, on a ouvert avec mon compagnon à Paris notre restaurant, le Louis Vins.

- Quels sont les produits que vous aimez le plus travailler ?
Honnêtement, j’aime tout, aussi bien les légumes que le poisson ou la viande mais surtout les épices. Par contre, ce que je n’aime pas, c’est la pâtisserie ! La rigueur qu’impose la pâtisserie au gramme près, m’ennuie. En cuisine on peut faire des essais, des mélanges, on peut rattraper, à l’instinct. Mon style, c’est un mélange de gourmandise et d’élégance. Tout est très travaillé, en cuisine et dans l’assiette, avec beaucoup de technique et beaucoup de générosité. J’assaisonne beaucoup, pour que les plats aient du caractère, que chaque ingrédient ait un goût franc. C’est pour ça que j’aime à travailler un ou deux ingrédients seulement, en les déclinant.

- Qu’est-ce qui vous a séduit lorsqu’on vous a proposé ce poste ?
C’est l’impression de revenir un peu à la maison, et le Beach c’est magnifique ! Il y a aussi le challenge du bio, complètement nouveau pour moi car à Paris c’est difficile. Aujourd’hui on est vraiment sur du bio labellisé Ecocert, sur la pêche durable. Mais il faut chercher, voire changer les recettes. Et puis surtout cela va me permettre de faire des rencontres avec les producteurs. Je marche à la relation humaine, au feeling. Un bon échange avec un producteur fait tout. Sa façon de travailler, de voir les choses, le fait qu’il soit amoureux de sa terre ou de ses bêtes, c’est capital. Et le fait qu’il y ait cette authenticité reste le meilleur moyen, pour nous, de la retranscrire dans la cuisine et auprès des clients.

- En arrivant ici vous saviez que vous disposeriez d’un potager sur les hauteurs de Roquebrune ?
C’est super ! Je suis allée le visiter au début. J’ai donc pu faire le tour, choisir mes produits. En ce moment, on a des petits pois, des févettes ou des artichauts que l’on peut croquer comme ça, directement. Ce jardin d’Agerbol ne fournit bien sûr pas tout mais c’est une base incontournable.

- Le chef qui vous a inspiré ?
Forcément Joël Robuchon puisque j’ai passé huit ans avec lui et que ça reste dans l’ADN. Je le voyais souvent à l’Étoile, le seul restaurant qui lui appartenait.

- La vie de famille ?
Elle est forcément plus compliquée mais j’espère trouver un peu de temps pour avoir un enfant un de ces jours...