Art & Culture Monaco

Jessica Sbaraglia L’art du jardinage urbain

Originaire de Suisse, l’engagée Jessica Sbaraglia milite en faveur du jardinage urbain en multipliant les initiatives et les potagers perchés sur les toits de la Principauté ou nichés dans différents lieux emblématiques de Monaco.

- Pourriez-vous revenir sur votre parcours ?
Passionnée de tennis, j’ai pratiqué ce sport durant plusieurs années et participé à différents tournois avant de me blesser et d’être contrainte d’arrêter. Je me suis alors concentrée sur mes études de commerce, tout en travaillant comme mannequin pour me faire un peu d’argent de poche. Une fois diplômée, j’ai finalement décidé de me consacrer plus sérieusement au mannequinat. Mais au bout d’un an, j’ai réalisé que cela ne me correspondait pas vraiment, j’ai alors poursuivi une formation dans le Management et le Design. Une voie qui m’a menée en Principauté, en 2010. J’y ai fondé ma société, un centre design qui comprenait divers projets allant de la conception de vêtements aux bijoux en passant par l’architecture et le yachting. Au bout de 2 ans, j’ai fermé cette entreprise et à l’époque, je me posais beaucoup de questions existentielles… Ce que je faisais ne m’apportait pas de bonheur durable.

- Vous avez donc décidé de changer de vie…
Oui, je me suis souvenue du potager de mon enfance. J’adorais passer du temps dans le jardin de mes parents, manger leurs fruits et leurs légumes… Je ne retrouvais pas le même goût avec les aliments que j’achetais sur le marché. Je me suis alors mise à jardiner sur mon tout petit balcon. Je trouvais cette activité thérapeutique, elle me déstressait… Et c’était valorisant de manger ce que j’avais moi-même cultivé. J’ai rapidement colonisé le balcon du voisin puis celui de l’immeuble d’en face. Et j’ai ensuite pris de la hauteur et j’ai constaté que de nombreux toits de Monaco étaient vides, notamment dans le quartier de Fontvieille. C’est là que j’ai compris que c’était ce que je voulais faire !

- Quelles ont été les étapes de création de Terre de Monaco ?
J’ai d’abord commencé par structurer mon projet et me former sérieusement au maraîchage. Cela m’a pris deux ans. J’ai suivi une formation en alternance, dans le Nord de la France, au sein de la ferme biologique du Bec Hellouin. Elle pratique le maraîchage bio-intensif, selon les principes de la permaculture. Puis en 2016, j’ai finalement créé Terre de Monaco.

- Pourriez-vous nous détailler votre concept ?
C’est une société qui a pour but de produire de l’agriculture urbaine, en particulier des potagers écologiques - élaborés dans les valeurs du Bio et de la permaculture - implantés sur les toits ou en plein sol, à Monaco et prochainement dans d’autres villes. En plus de produire du maraîchage local, nous proposons de nombreuses activités dans nos jardins. Pour moi, cette notion de partage est primordiale.

- Quelles sont ces activités ?
Nous avons notamment un potager thérapeutique au Centre Hospitalier Princesse Grace (CHPG), élaboré en collaboration avec leur service psychiatrique. Accompagnés d’un éducateur spécialisé, d’une psychomotricienne et d’une infirmière, les jeunes patients découvrent, sur la base d’une pédagogie interactive, les fondamentaux de l’agriculture biologique. D’autres potagers sont présents dans plusieurs établissements scolaires monégasques. Les enfants plantent, récoltent et apprécient leur travail. Et plusieurs activités thématiques sont également mises en place dans nos jardins comme à la Tour Odéon, au sein de notre "mini ferme" où l’on retrouve l’écosystème dans sa globalité avec des ruches et des poules en plus du maraîchage.

- En quoi avoir un potager urbain est éco-responsable ?
Depuis 1 ou 2 ans, on se rend compte qu’il y a une véritable prise de conscience. Tout ce que vous allez produire, vous n’allez pas l’importer et ainsi réduire l’impact carbone. Vous avez la garantie d’avoir des produits frais, bien mûrs à termes et donc plus nutritifs et goûteux. Lorsque l’on aménage son potager, on a souvent un compost, on va donc trier ses déchets et recycler une partie d’entre-eux dans son jardin. Cultiver vous apprend la saisonnalité, vous pousse à observer votre production, à connaître les insectes, respecter les pollinisateurs et donc être attentif aux besoins de la nature.

- Pourriez-vous nous parler de votre association avec le Chef Marcel Ravin ?
Il a été le premier à me faire confiance, il y a maintenant 5 ans. Marcel a tout de suite trouvé l’idée d’un potager urbain très intéressante. Dans son enfance, en Martinique, il avait un potager familial. Il trouvait super de pouvoir recréer ça, à côté de ses cuisines. C’est une relation proche de celle d’un vieux couple. Le maraîcher et le cuisiner sont deux passionnés dont les domaines d’expertise sont complémentaires. Le premier doit saisir les besoins du second et inversement, le chef doit comprendre et s’adapter à certains paramètres qui ne peuvent pas être maîtrisés comme les intempéries… Il existe une certaine communion. Marcel s’inspire du jardin pour imaginer ses plats et je suis admirative de la manière dont il valorise ma production.

- Quels conseils donneriez-vous à nos lecteurs qui souhaitent se lancer ?
Ce qui est très important, c’est de comprendre que l’on peut se faire plaisir, quelle que soit la surface de son extérieur. Nous avons aménagé des potagers sur des espaces de quelques mètres carrés et c’est tout de même très valorisant. Vous pouvez planter quelques plans de tomate, des aromates frais… Cela fera la différence dans une salade et pourra parfumer une infusion. Ensuite, il faut vérifier l’ensoleillement et avoir au minimum 4 à 5 heures de soleil par jour. C’est indispensable.

- Quels sont les projets de Terre de Monaco ?
En 2023, nous allons décliner le même écosystème à Nice, avec des poules, des ruches, du maraîchage et des activités pédagogiques déclinées à travers sept nouveaux immeubles qui vont prochainement sortir de terre. Nous avons également un projet d’implantation sur un hôtel de luxe qui devrait voir le jour à Cap d’Ail en 2025 et sur un outlet store en Belgique.


www.terredemonaco.com