Art & Culture Alpes Maritimes

Pierre Palmade

Preuve qu’il est toujours nécessaire de laisser le temps faire son oeuvre, c’est après une trentaine d’années passée à faire se plier en quatre des salles entières devant ses seuls en scène, ses duos ou ses pièces, que Pierre Palmade a choisi de dévoiler une autre facette de sa personnalité et de son jeu…

> Le lien connaît un joli succès…
Je crois que la rencontre entre Catherine Hiegel – qui vient d’un théâtre classique – et moi – qui suis issu d’un théâtre très populaire – a piqué la curiosité des spectateurs ! Nombreux sont ceux qui se sont demandés ce qu’un tel mélange pouvait bien donner sur scène mais qui, en ressortant de la salle, ont finalement trouvé évident qu’elle soit ma mère et que je sois son fils, et ce dans un registre moins comique que d’habitude…

> Après 30 ans d’expérience, il y a encore des terres inconnues ?
Oh que oui ! Et au contraire, j’ai la sensation que toutes ces expériences me permettent aujourd’hui, non pas de me sentir maître dans un domaine mais apte à m’ouvrir à tout ce que je n’ai pas encore essayé ! Je ne jurais que par le théâtre de boulevard, j’ai été bercé par ça et pour moi, le théâtre, c’était un décor trois pièces, une intrigue bourgeoise et du rire… Mais le temps m’a fait découvrir que le théâtre était multiple !

> Le rire comme un devoir…
Je me suis en effet affranchi, grâce à cette pièce, de cette obligation que je m’étais moi-même imposé d’être drôle toutes les vingt secondes ! N’étant plus obsédé par l’effet comique, je découvre le plaisir de prendre le temps de construire un personnage avec ses névroses, sa gravité, ses colères, j’apprivoise un jeu moins "horloger" et plus naturel… C’est déroutant les premiers temps de ne pas être rythmé par le rire mais on finit par apprécier "d’entendre" un public regarder attentivement une pièce.

> Mais ça rit quand même…
Bizarrement, ces deux personnages ont la colère comique ! (rires) Par contre, ce qui est curieux, c’est qu’en ne recherchant pas le rire à tout prix, il surgit à des moments où l’on ne l’attend pas et quand ça arrive, je dois lutter contre ma nature première pour ne pas le "fixer" et chercher à le reproduire le lendemain ! Catherine est contre ce mécanisme de jeu presque mathématique et c’est elle qui me pousse à être toujours plus sincère, vrai et dans l’instant… Aujourd’hui – ça me choque presque (rires) -, je prends du plaisir sur scène sans chercher à être drôle au point que l’auteur en moi se dit qu’il est peut-être capable d’écrire différemment, d’une manière peut-être plus grave et plus sanglante… Le lien m’a ouvert un horizon qui m’a énormément troublé…

> D’où votre besoin de transmission ?
Je ne sais pas si je me suis formulé consciemment ce désir de transmettre… J’adore le talent des autres, ça me grise de voir quelqu’un devenir meilleur, ça me fait vibrer ! J’ai l’impression d’avoir toujours eu ça en moi, d’ailleurs mon histoire avec Muriel Robin a débuté comme ça ! C’était une telle machine de guerre que je ne pouvais pas m’imaginer ne pas la "nourrir" avec des idées de sketches ! Il y a des gens comme ça dont je perçois le diamant et que j’ai envie de guider vers ce que j’imagine d’eux.

> Se livrer est le sujet de la pièce "Le Lien…"
Mon personnage est un auteur que sa mère ne lit pas… Il lui reproche et c’est d’ailleurs la source du clash qui conduira peut-être cette mère et ce fils à se séparer ! Elle n’a lu aucun de ses dix ouvrages car elle a peur de ne pas les comprendre et parce qu’elle souhaite que son petit reste son petit ! Je connais bien ça avec ma mère ! (rires) C’est adorable mais c’est parfois étouffant de ne pas se sentir un adulte de 50 ans à ses côtés !

> Deux êtres, deux longueurs d’ondes…
Je pense que mon personnage exagère et va trop loin avec sa mère ! Pour lui, un "lien" est un échange de points de vue, une conversation, une confidence, une intellectualisation des sentiments alors que pour sa mère, il suffit de se voir et de partager un bon petit plat. Contrairement à lui, elle estime qu’il n’y a pas que les mots dans la vie, elle l’aime parce qu’il est sorti de son ventre, elle l’aime parce qu’il est son fils mais lui a besoin de plus et il va le faire savoir… ■

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson