Art & Culture Alpes Maritimes

Les dangers des écrans

Des études récentes démontrent que l’utilisation des écrans chez les plus jeunes peut avoir de lourdes conséquences. Psychologue clinicienne et psychothérapeute, notre experte Karine Miquelis répond à nos questions et nous explique en quoi les tablettes, smartphones et autres appareils numériques ne devraient pas être trop présents dans la vie de nos enfants.

- Pourquoi l’utilisation des écrans sont-ils si néfastes pour les enfants de moins de 3 ans ?
En dessous de cet âge l’enfant se construit - à la fois sur le plan de la personnalité, des émotions et sur le plan cognitif. Le cerveau de l’enfant est en pleine construction, il a donc besoin d’empruntes solides et constructives afin d’acquérir des compétences psycho-sociales indispensables et se fonder des repères. Il a donc besoin de toucher, de palper, d’empiler des objets et non de "swiper" afin d’acquérir une motricité indispensable aux étapes de la vie. Bâtir, démolir, récupérer un objet lui permet de comprendre et de réaliser la trace qu’il laisse sur son passage et découvrir comment le monde qui l’entoure accueille ses faits et gestes. L’écran ne lui permet pas de reconnaître sensiblement ces formes d’actions, il permet seulement de répéter des tâches pour lesquelles il n’y a aucune individualité et où le temps n’a pas de réelle consistance.

- Le rapport humain est indispensable aux plus petits…
Effectivement, l’enfant a besoin de communiquer avec un adulte ou un autre enfant afin d’interagir de manière "humaine" et non robotique. Cela va lui permettre de comprendre qu’il y a de l’altérité, du discours, des émotions, une compréhension, une malléabilité des individualités et surtout que la communication n’est ni figée, ni à sens unique. C’est parce que l’on est confronté à une personnalité autre que la notre, que l’on arrive à se mouvoir en société et que l’on peut apprendre et comprendre de nouvelles choses. Les écrans ne remplissent pas ces fonctions et dans le cas d’une utilisation prolongée l’enfant connaîtra des déficits de langage et d’autres troubles associés à cet outil limité.

- On parle de déficit d’attention lié aux écrans, pourriez-vous nous expliquer pourquoi ?
Les enfants face aux écrans développent des gestes automatisés, ce que l’on peut d’ailleurs observer chez les tous petits usant de la tablette ou du téléphone dans la poussette. Impressionnés, souvent les parents s’accordent à dire que leur enfant a des capacités surprenantes car celui-ci déverrouille l’écran et allume le jeu dans le portable mais il ne s’agit en aucun cas d’un geste intelligent, il s’agit d’un geste de conditionnement. L’enfant répète ce qu’il a assimilé mais n’a en aucun cas mobilisé volontairement des capacités cognitives pour effectuer une tâche pensée.
Si les acquisitions primaires ne sont pas suffisamment expérimentées dans la toute petite enfance, alors l’enfant aura des déficits sur divers plans. Lorsqu’un enfant n’est pas amené à se développer "normalement", ses fonctions motrices, cognitives, émotionnelles, intellectuelles ne sont pas optimales. Cela engendrera des retards, des incapacités de compréhension, des difficultés de réflexion, d’élaboration. Si ces capacités ne fonctionnent "pas bien" alors l’attention associée à ces actions se voit lésée puisqu’elle ne sera pas suffisante pour rattraper les difficultés.

- En quoi les écrans provoquent-ils des troubles du sommeil ?
Différents facteurs sont concernés. Le fait de rester devant un écran et de répéter une série d’actions définis pousse le cerveau à ne fonctionner que dans un certain sens. Cette répétition inscrite, il est plus difficile de s’en défaire même lorsque l’on est plus devant l’écran. C’est au calme allongé dans le lit que la diminution d’activité physique fait émerger des pensées et occupations mentales. Il y a également le fait que l’écran occupe un espace physique limité et se concentrer au travers de ce prisme sans balayer du regard l’espace extérieur, fait que la concentration et l’attention prolongée sur l’objet rend difficile la réadaptation à l’environnement. Il y a également la lumière bleue présente dans les LED qui perturbe le rythme biologique et donc le sommeil. On peut rajouter l’exposition aux images qui perturbent le développement psychologique et parfois menace la sécurité de l’enfant. Comme il n’est pas bon de tout dire, il n’est pas bon de tout voir.

- Quels dangers représentent les écrans à haute dose chez les adolescents ?
Pour les adolescents, il s’agira plutôt de la fonction de ces écrans dans leur quotidien. Ici, l’enfant a acquis les apprentissages sensoriels et moteurs qui ne sont donc plus menacés. Par contre, l’utilisation de jeux vidéo exploitant des images et thématiques inadaptées peuvent faire émerger une irritabilité, une distorsion du temps et de l’espace. S’il y a des facteurs environnants à l’adolescent qui le plongent dans des problématiques difficiles, alors certains jeux, films, vidéos peuvent exacerber des états d’âme, des affects et finalement le submerger. C’est à ce moment-là que l’on assiste à des actes auto et/ou hétéro agressifs.

Il y a un besoin pour ces adolescents en plein changement physique et psychologique de rester ancrés dans la réalité. L’écran est parfois utilisé comme un refuge face à une difficulté d’adaptation à son environnement, à la difficulté pour un adolescent d’accepter son corps - si ce n’est au travers d’un avatar. Cela peut aussi concerner un trait de caractère non assumé.


Par Caroline Stefani