Art & Culture Monaco

Luca Masala, Former les danseurs de demain

Directeur de l’Académie Princesse Grace, l’ancien danseur international Luca Masala place depuis bientôt 15 ans, son amour de la danse au service de ses jeunes élèves. Dans le cadre d’une interview exclusive, il nous ouvre les portes de la prestigieuse école de danse monégasque.

- Quelles sont les spécificités de l’Académie Princesse Grace ?
Nous sommes là pour éduquer et former des élèves, âgés de 13 à 18 ans, aux différentes techniques de la danse. Notre pédagogie est basée sur la bienveillance et l’accompagnement, d’ailleurs nous tenons à bannir toute forme de maltraitance psychologique, tout en conservant la rigueur de cette discipline. Nous n’avons pas la consigne de former des élèves pour intégrer une seule compagnie, mais nos danseurs sont destinés à entrer dans les compagnies de danse professionnelles les plus renommées à travers le monde, avec un privilège pour Les Ballets de Monte-Carlo, qui compte à ce jour un certain nombre de danseurs, issus de l’Académie Princesse Grace.

- Vous parlez "d’une école de vie", pourriez-vous nous expliquer pourquoi ?
Au moment où débute leur formation, nos élèves sont très jeunes. Ils viennent vivre à Monaco à seulement 13 ans, et ils passent 24h par jour au sein de l’école, à une période très importante et formatrice de leur vie. Il y a bien évidemment tout un apprentissage au sein des studios de danse, mais cela ne s’arrête pas là. Ils doivent apprendre à faire leur lit tous les matins, ranger leur chambre, être autonomes. Et vivre en communauté. Cette année, nous accueillons 17 nationalités différentes. Il faut apprendre à cohabiter avec d’autres personnes. Ils apprennent la valeur de la tolérance, une notion très importante pour nous. Il est primordial de savoir écouter l’autre, d’apprendre à connaître et comprendre des cultures différentes, des points de vue parfois éloignés des nôtres, sans jamais les juger. Quand ils arrivent, ce sont des enfants et 4 ou 5 ans plus tard, ce sont des adultes qui partent intégrer de grandes compagnies internationales. Voilà pourquoi nous parlons "d’école de vie". Mon rôle comme celui de notre équipe pédagogique est de les accompagner au fil des étapes de leur apprentissage, nous devons gérer beaucoup de choses, bien au-delà de la danse.

- Est-ce que vous diriez qu’avec le temps les techniques de formation ont évolué ?
Oui, bien évidemment ! Si je prends l’exemple de mon histoire personnelle, j’ai été diplômé de l’Académie Princesse Grace en 89. Avant cela, j’avais étudié à l’école de ballet de La Scala de Milan et La School of American Ballet à New York. Et à l’époque, c’était un tout autre monde ! La majorité d’entre-nous n’était formée qu’en danse classique. Notre formation se poursuivait le jour où l’on intégrait une compagnie de danse professionnelle. Aux côtés des chorégraphes, on découvrait d’autres techniques. Ensuite, si je réponds en tant que directeur, je dois dire que depuis 2009, le monde de la formation a encore évolué. Les gens sont devenus différents. Suite à la médiatisation de cas de maltraitance psychologique et d’abus au sein des écoles, les professeurs sont devenus très prudents et parfois malheureusement un peu laxistes par peur de dépasser les limites. Je dirai que la psychologie de la formation a totalement été repensée. Mais si je condamne bien évidemment toute forme de violence dans l’enseignement, en danse il faut savoir se dépasser. Nous devons montrer aux élèves qu’ils peuvent aller bien plus loin qu’ils ne l’imaginent. Pour devenir de grands danseurs, ils doivent donner le meilleur d’eux-mêmes. Il faut les pousser à le faire, mais encore une fois sans jamais les briser.

- À votre arrivée, tout était à reconstruire, quelle a été votre méthode pour redonner à l’Académie Princesse Grace tout son prestige ?
Si Marika Besobrasova a su réaliser un travail exceptionnel, quand je suis arrivé en 2009, il était devenu primordial de prouver au monde que l’académie monégasque formait toujours les meilleurs. Dès ma nomination, j’ai souhaité garantir un contrat professionnel à l’ensemble de nos diplômés. Ce qui est arrivé dès la première année, et cela se perpétue aujourd’hui. Pour cela, je suis allé à la rencontre des plus grandes compagnies, j’ai échangé avec leurs chorégraphes afin de connaître leurs attentes. Résultat, nous formons des danseurs polyvalents dont les connaissances techniques répondent parfaitement aux besoins des chorégraphes. Et chaque année, en fonction de ce qu’il se passe dans le monde de la danse, nous faisons évoluer nos enseignements. J’ai la chance de pouvoir dire qu’aujourd’hui les directeurs m’appellent directement pour que je leur envoie des élèves. Ils me font confiance et c’est la validation de l’investissement de toute notre équipe pédagogique et des efforts de nos danseurs.

- Suite à votre nomination, vous avez également fusionné avec Les Ballets de Monte-Carlo…
Effectivement, c’est un point très important pour nous. Cette fusion, nous a permis de grandir encore plus. Aujourd’hui, grâce au rapprochement avec Les Ballets de Monte-Carlo, nous sommes devenus une des structures les plus importantes à travers le monde, avec tous les aspects positifs que cela implique pour nos étudiants, comme le fait de participer aux spectacles de la compagnie, travailler aux côtés du chorégraphe-directeur des Ballets, Jean-Christophe Maillot… Ou encore le fait que les élèves puissent commencer à comprendre à quoi correspond la vie professionnelle d’un danseur. C’est un privilège pour eux.

- Quelles sont les prochaines échéances pour vos élèves ?
Ils s’apprêtent à passer leurs examens du mois de décembre. Pour les étudiants de première année, c’est tout nouveau… C’est une période assez stressante. Puis les auditions vont démarrer. J’ai déjà commencé à échanger avec les directeurs de compagnies qui vont faire leurs sélections. Ensuite, après la coupure des fêtes de fin d’année, ils vont préparer leurs examens de mai. Une échéance très importante. Et enfin le gala de fin d’année qui se déroulera au mois de juin. De mon côté, depuis le mois de novembre, j’ai débuté la sélection des futurs inscrits. Au Japon, j’ai auditionné 1 300 jeunes et je me suis ensuite rendu en Espagne. Je fais le tour du globe pour confirmer une dizaine de nouveaux étudiants. La technique n’est pas un critère indispensable, car ils viennent à Monaco pour se former. Je suis plutôt attentif à leur personnalité, leur passion et leur volonté de s’investir. Pour certains, la vie d’un danseur n’est faite que de sacrifices, mais à mes yeux, depuis que j’ai 11 ans, c’est Noël tous les jours ! (rires) D’élèves à danseur, puis de maître de ballet à directeur d’académie, je n’ai cessé de vouloir progresser. Transmettre un savoir, qui sera par la suite transmis aux générations futures… Cela nous rend presque immortels.

- Pourriez-vous nous parler du nouveau studio de danse récemment achevé ?
Cette nouvelle salle est un projet magnifique dont les travaux ont débuté il y un an. Il vient concrétiser l’ambition, et la vision d’offrir à l’Académie Princesse Grace les infrastructures nécessaires. Depuis ma nomination, nous avons ouvert 3 nouveaux studios, celui-ci est le dernier. C’est un peu la fin d’un grand projet de modernisation. L’architecte monégasque Jérome Hein a fait un travail merveilleux. Le tout soutenu par le Gouvernement Princier, qui à travers la réalisation de ce studio témoigne sa reconnaissance du travail effectué par l’Académie. L’inauguration de ce studio met en lumière le prestige de notre Académie dont les jeunes danseurs du monde entier rêvent de faire partie.

- Vos élèves se sont également illustrés au prestigieux Prix de Lausanne…
Oui, c’est quelque chose d’assez incroyable. Nous avons remporté la médaille d’or, lors des quatre précédentes éditions, ce qui est totalement inédit. Cette compétition récompense les meilleurs danseurs et son jury est composé des plus éminentes personnalités de l’univers de la danse. Cela permet de montrer le potentiel de l’Académie Princesse Grace. C’est également une merveilleuse consécration pour notre pédagogie.

- Pour un danseur, les fêtes de Noël sont une période très intense, qu’en est-il pour vos élèves ?
L’an dernier, plusieurs de nos jeunes ont été sélectionnés pour Le Casse-Noisette de Jean-Christophe Maillot et se sont produits avec les Ballets de Monte-Carlo. Ils sont donc restés en Principauté, mais cette année, pas de spectacle en vue. Ils auront bien deux semaines de congés. Les danseurs professionnels sont là pour faire apprécier la fête au public. Au sein d’une compagnie, on célèbre toujours Noël en décalé, j’ai vécu ça durant toute ma carrière. À l’Académie, nous travaillons avec des élèves, c’est différent. A leur âge, le corps a besoin de se reposer.

- Si vous deviez citer un ballet emblématique des fêtes de fin d’année, lequel choisiriez-vous ?
Un danseur va forcément vous répondre : Le Casse-Noisette ! Toute personne formée dans une grande école a interprété ce ballet, une fois dans sa vie. Quand j’avais à peine 11 ans, je me souviens d’avoir dansé dans Le Casse-Noisette aux côtés du grand Noureev, à la Scala de Milan. Des élèves avaient été choisis pour interpréter les rôles des petits soldats et des petits rats. C’était un moment magnifique.


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