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Docteur Rachid Benchaouir, La biologie marine au service de la beauté

Fondateur de la société Coraliotech, installée au sein de MonacoTech, le généticien Rachid Benchaouir valorise les retombées des découvertes de ses équipes et celles du Centre Scientifique de Monaco sur les écosystèmes coralliens, en les plaçant au service de l’univers des cosmétiques.

- Comment a débuté votre collaboration avec le CSM ?  
Chercheur en biologie moléculaire, j’ai obtenu ma thèse en 2004, et j’ai ensuite passé une quinzaine d’années à travailler sur des stratégies thérapeutiques, dans le cadre de maladies génétiques. J’effectuais ces recherches à Paris, et dans plusieurs pays européens, jusqu’au jour où le Centre Scientifique de Monaco (CSM) – qui venait de se doter d’un laboratoire dédié à ces pathologies – a fait appel à notre équipe afin de résoudre un problème technologique. À l’époque, en 2015, ils souhaitaient produire des molécules coralliennes à grande échelle et de façon très pure. Nous avions les outils et les connaissances qui répondaient à ce besoin. Ils ont été très satisfaits du résultat, et nous avons en plus identifié que cette première molécule corallienne possédait des propriétés innovantes, en particulier une fonction de protection solaire. Une découverte qui nous a conduits à déposer un premier brevet conjoint.

- Est-ce à ce moment-là qu’est née l’idée de Coraliotech ? 
Oui, tout a commencé par une simple collaboration scientifique entre deux équipes, avec, en plus, des travaux qui ont attiré l’attention de l’un des leaders mondiaux de la cosmétique. De son côté, le CSM souhaitait produire d’autres molécules avec la même approche, et c’est là que j’ai compris qu’il était pertinent de valoriser les fruits de ces recherches et innovations dans le cadre d’une activité commerciale. J’en ai discuté avec le professeur Patrick Rampal, le président du CSM, qui a tout de suite été emballé par l’idée. La même année, en 2017, MonacoTech ouvrait ses portes, et Coraliotech a été l’une des premières startups incubées au sein de l’entité monégasque. Une société privée dont une partie du capital est détenue par une société d'État, le Centre Scientifique de Monaco, a constitué une première en Principauté !

- De quelle manière les coraux sont-ils utilisés ? 
Je tiens à préciser, et c’est un point majeur, que notre technologie est 100 % écoresponsable. En effet, nous ne touchons pas au corail, et nous ne réalisons aucun prélèvement à partir de ces organismes. Nous utilisons une base de données génétiques - constituée en interne - et composée de plusieurs milliers de séquences génétiques coralliennes fournies par les chercheurs de biologie marine. Notre savoir-faire consiste à sélectionner celles qui auront un véritable intérêt, à la fois scientifique et commercial. Nos outils bio-informatiques nous permettent de savoir quel type de molécule peut entrer dans notre pipeline de production. Cette présélection in silico est très importante car, après cette étape, les coûts augmentent de façon drastique. Nous synthétisons la séquence génétique et nous produisons ensuite les molécules par des procédés in vitro. Coraliotech possède ainsi les connaissances et les outils permettant de fournir directement à nos clients des actifs qu’ils pourront utiliser dans la composition de leurs produits cosmétiques. Par ailleurs, notre technologie permet la montée à l’échelle industrielle, et nous conservons bien évidemment confidentiels nos secrets de fabrication. 

- Sur quoi travaillez-vous actuellement ? 
Notre business model actuel consiste à proposer à des clients de codévelopper de nouveaux produits. Aujourd’hui, nous en avons 4, sous contrat, dans notre pipeline de production. Nous en sommes aux phases d’évaluations toxicologiques et fonctionnelles, et nous ciblons une commercialisation de ces molécules à l’horizon 2024. D’ici là, plusieurs autres brevets d’application devraient être déposés.

- Qu’est-ce qui vous différencie de vos concurrents potentiels ? 
Il faut savoir que le CSM est l’un des leaders mondiaux en matière de recherche corallienne, et si le monde marin intéresse énormément l’univers des cosmétiques, il demeure très méconnu. Très peu de laboratoires dans le monde possèdent à la fois notre savoir-faire et nos connaissances biotechnologiques, et c’est probablement ce qui nous différencie.

- Quels sont vos projets ? 
Nous travaillons actuellement au sein d’un fablab, le laboratoire créé par MonacoTech, afin de permettre à ses jeunes entreprises innovantes de développer leurs solutions technologiques. La prochaine étape est l’ouverture de notre propre structure. Pour ce faire, nous sommes en train de réaliser une levée de fonds grâce à laquelle nous pourrons concevoir un lieu permettant d’aller de la matière première – c’est-à-dire du corail (cultivé en aquarium) – jusqu’à la production industrielle des actifs d’intérêts aux normes BPF (Bonnes Pratiques de Fabrication). Cela constitue un véritable challenge. Si, pour l’instant, nous ciblons la cosmétique, nous avons la volonté d’aborder, dans un très proche avenir, le secteur de la pharmaceutique, en ciblant en particulier les champs de la cancérologie, de la dermatologie ou encore de la régénération tissulaire. Il faut en effet savoir que certains coraux ont près de 50 % d’homologie génétique avec l’humain. C’est donc un monde nouveau qui s’ouvre à nous.


www.coraliotech.com