Art & Culture Monaco

Cédric Biscay, Monsieur Soft Power

Auteur, Producteur, Chef d'entreprises, Ambassadeur des droits des Femmes comment contribue t-il au rayonnement de la Principauté ?

- Vous êtes tombé dans les jeux vidéo et les mangas tout jeune…
Quand j’étais enfant, j’adorais regarder les émissions du Club Dorothée - ce qui donne un indice sur mon âge… Je crois qu’on peut dire que je suis "vintage" ! (rires) - et je me suis toujours dit que ça me plairait de travailler dans cet univers-là. Assez rapidement, parmi toutes les propositions de dessins animés et de jeux vidéo, je me suis naturellement penché sur ceux qui venaient du Japon et de fil en aiguille, je me suis passionné pour ce pays et sa culture…

- Il y a déjà 21 ans, vous montiez votre 1ère société et en 2014, vous vous implantiez à Monaco avec une structure consacrée à la production…
La première - française - est une société de conseil et, même si leurs noms commencent tous les deux par Shibuya, la seconde - monégasque - est en effet bien différente. Leur seul "véritable" point commun c’est ce quartier de Tokyo que j’adore !

- Chef d’entreprise, organisateur d’événements mais aussi auteur et scénariste de l’unique manga monégasque : "Blitz"…
C’est une grande fierté parce qu’évidemment, ce n’est pas monnaie courante de faire un manga à Monaco et surtout, c’est très difficile, dans la réalité, de créer un "vrai" manga. On a deux équipes : une installée à Monaco et l’autre au Japon. Le dessinateur - Daitarô Nishihara - et la co-dialoguiste - Tsukasa Mori - sont japonais parce que je voulais absolument faire une œuvre qui corresponde à 100 % à ce qu’est un manga avec ses codes de narration, ses éléments graphiques et ses références culturelles. C’est aujourd’hui la littérature qui fonctionne le mieux (plus d’une bande-dessinée sur deux est un manga) et c’est le premier vecteur de lecture chez les jeunes donc si on ne respecte pas sa nature première, on peut difficilement bénéficier de son succès. Je voulais absolument que "Blitz" soit considéré comme un manga à part entière et c’est un grand honneur que ce soit le cas, y compris au Japon où il est diffusé…

- Un projet qui fédère donc au-delà des origines, des profils, des âges et des frontières…
C’est exactement ça et tout de suite, Kasparov a compris que grâce à un manga comme celui-ci, l’intérêt pour les échecs allait se développer à l’international, et tout particulièrement au Japon où ça ne se pratique que très peu. Je parle souvent de "soft power" et c’est la réalité, la preuve avec ce jeu ! À partir du moment où on utilise les bons outils populaires, on peut faire passer pas mal d’idées et là, c’est le cas avec les échecs qui touchent une jeune génération à travers le manga. C’est difficile pour le moment de quantifier avec exactitude l’impact de cette série sur le développement des clubs d’échecs mais on voit des enfants s’inscrire parce qu’ils ont lu le manga "Blitz"...

- Le "soft power" est un jeu de séduction ?
Oui dans l’absolu mais le problème c’est le terme de "séduction" car beaucoup y voient quelque chose de péjoratif. Je dirais que le "soft power" est une sorte de pouvoir de convaincre de manière positive. Dans le registre du manga, on l’a déjà vu avec "Captain Tsubasa" (devenu "Olive et Tom" en français) et l’augmentation des inscriptions dans les clubs de foot mais c’est valable pour tous les grands sujets de la société !

- "Blitz" est un manga (le seul d’ailleurs)
imprimé à Monaco…
"Blitz" est un manga créé à Monaco et dont une partie de l’histoire se passe sur le Rocher donc même s’il est dessiné au Japon, il était impensable de l’imprimer ailleurs ! Je suis conscient que pour la plupart des lecteurs, cette information n’a pas d’intérêt particulier (rires) mais pour moi, à partir du moment où j’ai su qu’il existait une imprimerie monégasque, c’est devenu un point essentiel !

- Le prince Albert II de Monaco et la princesse Charlène de Monaco apparaissent dans deux tomes, ça signifie qu’ils vous ont accordé leur confiance…
C’est aussi gratifiant que touchant qu’ils aient accepté d’être croqué dans "Blitz" car je voulais absolument qu’ils y soient. Quand j’ai démarré cette aventure et que j’ai pris la décision d’avoir des passages à Monaco, c’était évident pour moi qu’ils y apparaissent. En tous cas, j’en avais envie ! Une fois qu’ils ont vu les tout premiers volumes du manga et qu’ils ont compris de quelle manière je voulais les faire apparaître, il n’y a eu strictement aucun souci ni aucune demande de retouche… Ça veut vraiment dire que "Blitz" est bien rentré dans le cœur des Monégasques y compris dans le celui du chef d’État…

- Vous êtes également lié à Monaco par le Comité du droit des femmes dont vous êtes ambassadeur...
C'est Céline Cottalorda, directrice du comité qui travaille pour le gouvernement, qui m'a contacté pour me proposer de devenir ambassadeur pour le droit des femmes. J'avoue que dans l'immédiat, je n'ai pas su quoi répondre parce que si, à mes yeux, l'égalité homme-femme est normale voire basique, je n'ai jamais été un militant. J'avais peur de ne pas être légitime du fait de ne jamais avoir creusé toutes les problématiques autour... En en discutant avec elle, j'ai effectivement compris que tout le monde n'avait pas été éduqué dans le même esprit que moi et qu'il y avait donc encore besoin, malheureusement, de défendre cette égalité... J'ai donc accepté ce rôle mais à une seule condition : participer de manière active ! Le titre ne m'intéresse pas. En revanche, ce qui m'anime, c'est de pouvoir contribuer réellement à améliorer la situation. Je ne peux pas dévoiler trop de détails car c'est l'objet de la prochaine campagne, mais j'ai été sollicité pour faire quelque chose de concret à l'occasion de la journée du droit des femmes qui se tiendra le 25 novembre.

- Vous vous associez également avec une campagne contre le harcèlement numérique…
Tout sera divulgué lors d’une conférence de presse fin novembre mais oui, j’ai eu l’honneur d’être sollicité pour faire cette campagne et travailler sur le slogan, les supports etc. C’est d’ailleurs en lien avec ma mission d’ambassadeur du droit des femmes. Cette campagne contre le harcèlement numérique est plutôt orientée "jeune génération" bien qu’elle concerne tout le monde, hommes et femmes, toutes tranches d’âges confondues. Face aux réseaux sociaux et à la virulence de certains propos, personne n’est à l’abri. Nous, les anciennes générations, on était un peu plus tranquilles. Le harcèlement scolaire par exemple s’arrêtait la plupart du temps à la grille du collège ou du lycée avant de reprendre le lendemain. Aujourd’hui, ça n’a plus de cesse avec Internet et ça poursuit les jeunes jusque chez eux. Il n’y a plus de refuge… Et puis, le harcèlement peut être direct comme indirect… Le fait de ne pas inclure dans des groupes de conversation ou de ne pas "liker" quelqu’un alors qu’on cherche tous à être aimés, aujourd’hui, virtuellement est un gros problème et je m’en suis aperçu en étudiant la question. À force de me documenter, je vous avoue que j’ai pris peur car il y a énormément de problématiques très méconnues du grand public. Je pense que là encore, plutôt qu’une abondance de conférences soporifiques, le "soft power" peut avoir un véritable impact si on l’utilise suffisamment en amont. Et pour que ça fonctionne, il faut évidemment se servir des outils qui sont appréciés par la jeune génération pour que la démarche leur paraisse "cool". Il faut être cool dans la pédagogie pour convaincre…